Au 6 septembre 2024, l’économie tunisienne continue de faire face à des défis majeurs. Les pressions inflationnistes persistantes, la dépréciation du dinar, la contraction des liquidités bancaires et le poids croissant du service de la dette sont autant d’éléments qui impactent négativement la situation économique du pays.
Contextes international et national
Alors que le contexte international reste instable, avec une volatilité accrue sur les marchés financiers mondiaux, la Tunisie doit s’adapter à un environnement complexe, entre besoins de réformes structurelles et pressions internes croissantes.
Solde du trésor et liquidités bancaires sous tension
Le solde du compte courant du Trésor s’établit à 1 013,1 millions de dinars tunisiens (MDT), en léger recul par rapport à la veille; mais en nette amélioration par rapport à la même période en 2023 (636,7 MDT). Cette amélioration témoigne d’une gestion budgétaire plus prudente. Cependant, la légère baisse enregistrée récemment peut être attribuée à une augmentation des dépenses publiques, probablement pour soutenir certains secteurs clés.
Du côté des banques, le solde du compte courant ordinaire des établissements bancaires a reculé à 376,1 MDT, contre 415,5 MDT la veille.
Cette baisse des liquidités reflète une contraction du crédit bancaire et une pression continue sur le système financier. Bien que cette situation reste gérable à court terme, elle témoigne des tensions sur les liquidités disponibles dans le système bancaire. Lesquelles risquent de s’accentuer si la Banque centrale de Tunisie (BCT) maintient sa politique monétaire restrictive.
Marché monétaire : une politique monétaire prudente face à l’inflation
Le marché monétaire tunisien reste sous pression avec un volume global de refinancement de 12 536,9 MDT, en légère baisse par rapport à la veille (12 669,9 MDT).
Les opérations de refinancement à court terme sont prédominantes, soulignant la dépendance accrue des banques aux injections de liquidités pour répondre à leurs besoins immédiats.
La BCT maintient un taux directeur de 8 %, un signe de sa volonté de maîtriser les tensions inflationnistes. Cependant, cette politique monétaire stricte pèse lourdement sur le coût du crédit et la capacité des entreprises à financer leurs opérations, limitant ainsi les perspectives de croissance à court terme.
Bons du trésor : une dépendance accrue aux financements à court terme
L’encours des Bons du Trésor à court terme atteint 10 529 MDT, en nette augmentation par rapport à l’année précédente (8 492,7 MDT).
Cette dépendance croissante aux financements de court terme peut poser des défis de refinancement à moyen terme. En l’absence de réformes structurelles ou de nouvelles sources de financement externe, le risque de dépendance excessive aux marchés financiers domestiques pourrait compromettre la stabilité macroéconomique du pays.
Tourisme et transferts de la diaspora : quelques signaux positifs
Malgré un contexte difficile, le secteur touristique et les transferts de la diaspora tunisienne continuent de soutenir l’économie.
Les recettes touristiques cumulées ont atteint 4 874,9 MDT au 31 août 2024, marquant une reprise par rapport à l’année précédente (4 564,7 MDT). Le secteur touristique, bien qu’encore fragile, reste une source importante de devises pour le pays.
Les revenus des transferts de la diaspora en espèces progressent également, atteignant 5 329,3 MDT, soutenant ainsi le pouvoir d’achat des ménages et réduisant la pression sur la balance des paiements.
Dette extérieure et avoirs en devises : un équilibre précaire
Le service de la dette extérieure continue de peser lourdement sur les finances publiques, atteignant 10 144,7 MDT au 31 août 2024; contre 6 865,6 MDT à la même période en 2023.
Cette augmentation de la charge de la dette constitue un risque majeur pour la soutenabilité des finances publiques à moyen terme. Surtout dans un contexte où les recettes fiscales stagnent et où les financements internationaux sont difficiles à obtenir.
Les avoirs nets en devises s’élèvent à 25 922,4 MDT, représentant environ 117 jours d’importations. Ce niveau, bien qu’en légère baisse par rapport à l’année précédente (26 367,6 MDT), reste suffisant pour assurer la stabilité des importations à court terme.
Cependant, la pression sur le dinar, notamment face au dollar américain, se poursuit, avec un taux de change de 3,04903 TND/USD. Cette dépréciation rend les importations plus coûteuses et aggrave les déficits commerciaux, amplifiant ainsi les pressions inflationnistes.
Perspectives à court et moyen terme
Inflation et politique monétaire : la BCT devrait maintenir sa politique monétaire restrictive pour freiner l’inflation. Cependant, à moyen terme, cette stratégie risque de peser sur la croissance, en limitant l’accès au crédit pour les entreprises. Un ajustement des taux pourrait être envisagé si les pressions inflationnistes se réduisent.
Dépréciation du dinar : la pression sur le dinar devrait persister, surtout face à la vigueur du dollar américain. À court terme, la BCT pourrait être contrainte de renforcer ses interventions sur le marché des changes pour stabiliser la monnaie, mais cela pourrait éroder davantage les réserves de devises.
Dette publique : la hausse du service de la dette extérieure constitue une menace croissante. Sans restructuration ou renégociation des termes de la dette, le pays risque de se retrouver dans une situation financière délicate. À moyen terme, des réformes structurelles seront nécessaires pour réduire la dépendance au financement extérieur.
Secteurs porteurs : le tourisme et les transferts de la diaspora continueront de jouer un rôle crucial dans la résilience économique à court terme. Cependant, leur contribution reste incertaine face aux défis externes, notamment la situation économique en Europe.
En conclusion, l’économie tunisienne se trouve à un carrefour critique, où des réformes structurelles s’imposent pour assurer une relance durable.
La gestion prudente des finances publiques et des liquidités à court terme est essentielle pour éviter une crise de la dette.
Cependant, à moyen terme, le gouvernement devra mettre en œuvre des réformes profondes pour renforcer la compétitivité économique, attirer des investissements étrangers et stabiliser durablement la monnaie.
En l’absence de telles mesures, la Tunisie pourrait faire face à un ralentissement économique prolongé, aggravé par des pressions extérieures et internes croissantes.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
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