Alors que les projecteurs sont braqués sur la prochaine réunion de la Réserve fédérale américaine (Fed) en juin, une tension croissante s’installe au sein des marchés : la Banque centrale baissera-t-elle enfin ses taux, ou choisira-t-elle la prudence face à une inflation encore tenace ?
Derrière cette interrogation se cache un dilemme plus profond, symptomatique de la fragilité actuelle de l’économie mondiale.
Un contexte paradoxal
À première vue, certains indicateurs pourraient rassurer : le marché du travail américain reste dynamique avec un chômage stable à 3,7 % et plus de 200 000 emplois créés chaque mois. La croissance salariale, contenue autour de 4 %, ne semble pas nourrir de spirale inflationniste. Pourtant, l’inflation sous-jacente, hors alimentation et énergie, stagne autour de 3,2 %, bien au-delà de la cible des 2 % fixée par la Fed.
Dans ce contexte, toute décision de politique monétaire devient périlleuse. Abaisser les taux trop tôt pourrait relancer l’inflation; les maintenir trop haut risquerait de freiner la croissance, peser sur le crédit et accélérer le ralentissement économique. D’autant que la croissance du PIB américain s’est déjà repliée à 1,8 % en glissement annuel.
Une Fed en mode observation
Le président de la Fed, Jerome Powell, l’a affirmé : aucune décision ne sera prise sans évaluation rigoureuse des données à venir. L’indice des prix à la consommation (CPI), attendu le 11 juin, sera un test décisif. De même, les négociations commerciales, notamment avec la Chine, pèseront lourd dans la balance.
Dans les couloirs de la Fed, le consensus penche encore pour un maintien des taux dans la fourchette actuelle de 5,25 % à 5,50 %. Mais la nervosité grandit : la plateforme de prévisions Polymarket évalue à 39 % la probabilité d’une récession américaine d’ici la fin de l’année.
Des répercussions concrètes pour l’économie réelle
Cette incertitude monétaire n’est pas sans effet sur l’économie concrète. Le maintien de taux élevés alourdit les coûts de crédit, pèse sur le marché immobilier et retarde les projets d’investissement. En revanche, un assouplissement — même modeste — des taux en juin serait un signal fort, susceptible de raviver les secteurs sensibles à la dette, comme la consommation et la construction.
Mais une baisse prématurée, dans un contexte d’inflation encore trop élevée, pourrait miner la crédibilité de la Fed. Et ce dilemme alimente une autre dynamique : la recherche de valeurs refuges. Pour certains investisseurs, le bitcoin devient une alternative face à l’incertitude monétaire et aux tensions inflationnistes.
Un tournant stratégique
La réunion de juin s’annonce donc comme un moment charnière. Plus qu’un simple ajustement de taux, il s’agira de tracer une trajectoire crédible pour une économie américaine qui oscille entre surchauffe et refroidissement. Le moindre signal sera scruté par les marchés, car c’est bien de confiance — ou de son absence — que dépendra la suite du cycle économique.
Dans un monde où la géopolitique, l’inflation et les tensions commerciales s’entrelacent, la politique monétaire ne peut plus être isolée. Le temps de l’orthodoxie tranquille est révolu.
A bon entendeur, … s’il en existe.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
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